lundi 10 mars 2008

Une curieuse idée du débat militant au MoDem de Marseille

Il a été décidé que la liste du MoDem de Marseille fusionnera avec celle du PS pour le second tour des municipales, comme la loi le permet pour les partis ayant obtenu plus de 5% des voix au 1er tour.

Après que les candidats Bennahias, Madrolle et Muller aient rencontré Jean-Claude Gaudin et Patrick Menucci, tous les candidats présents sur les listes étaient conviés en réunions lundi soir pour débattre et voter sur la ligne à tenir, comme cela avait été annoncé aux militants de longue date, le MoDem n'espérant pas faire un score au delà de 15% à ces élections.

Ce lundi soir, au local de campagne de Christophe Madrolle, tous les colistiers qu'on avait appelé à se réunir d'urgence attendaient fébrilement ce moment fatidique de la vie d'un parti, où les semaines de militantisme acharné se concrétisent un choix stratégique, où l'on va débatre, réfléchier, argumenter pour trouver le meilleur moyen de concrétiser les idées défendues.

Quand Christophe Madrolle arrive, il annonce tout de go que la décision est déja pliée, que ce sera une fusion avec le PS, les papiers étant déja signés et Jean-Luc Bennahmias étant pratiquement en train d'annoncer la chose à la presse. Il remercie tout le monde, disant à quel point il a rencontré dans ce local des gens formidables et vécu une campagne merveilleuse, sans doutes la meilleure de toutes celles qu'il aura faites.
Les tractations semblent clairement avoir porté sur les sièges proposés par les participants au second tour plus que sur les idées, puisqu'il n'a pas eu un mot spontané pour celles-ci. Le choix s'est porté sur le mieux disant, le PS proposant 5 places intéressantes contre 1 seule pour l'UMP. Bien sûr on imaginait difficilement Jean-Luc Bennahmias s'acoquiner avec l'UMP, lui ex-Vert, donc de sensibilité de gauche, et farouchement anti-incinérateur, projet de Gaudin.

Christophe Madrolle a justifié la signature immédiate avec le PS par une situation d'urgence liée au fait que partout en France les listes MoDem fusionnent et qu'une signature rapide pouvait être bénéfique aux tractations pour d'autres listes MoDem dans d'autres villes.

Ainsi, dans un parti qui vient (re)naître, le débat démocratique, la réflexion et l'échange avec les colistiers sur une décision stratégique concernant leur propre liste ne serait pas de mise et l'intérêt des listes d'autres villes primerait sur la campagne locale de la seconde ville de France.

Quand les voix de quelques militants très impliqués s'élèvent pour faire état de leur divergences, et suggérant la possibilité d'une troisième voie de l'indépendance, Christophe Madrolle leur oppose une fin de non recevoir, arguant qu'il n'a pas dormi durant 24 heures, qu'il est très fatigué, et qu'il voudra bien débattre de ce sujet à la réunion de vendredi soir prochain (NDR : à la veille du vote du second tour, alors que les listes auront été déposées depuis 3 jours et qu'il n'y aura plus rien à débattre). Quand on lui demande quels ont été les critères pour décider quelles personnes seraient présentes sur les listes, il répond qu'il ne souhaite pas évoquer la question en réunion, mais qu'il est prêt à recevoir chacun individuellement pour en parler (NDR : aux élections municipales, un des enjeux défendus par le MoDem est la garantie de la transparence dans les processus de décision à Marseille).

Ce soir là, au bureau de Christophe Madrolle, on a vu des militants abasourdis avec les larmes aux yeux. D'autres étaient farouchement remontés contre la méthode, contre l'alliance avec les PS aussi, et prônaient la sollicitation du libre choix des électeurs. D'autres emplis d'affect, approuvaient, compatissants pour les candidats qui ne devaient selon eux pas perdre leur sièges de conseillers.

Ces militants ont étés au cœur de la rédaction du programme des municipales. Ils se sont levés tôt pour tracter à travers toute la ville, ont assisté aux réunions plusieurs fois par semaine sans compter les heures. Certains ont même pris des vacances pour être disponibles à 100%. Ce soir à Marseille, ils ont étés mis devant le fait accompli, traités comme quantité négligeable par des candidats soucieux d'éviter un débat contradictoire susceptible de les soustraire d'une place d'élu à portée de main.

Le résultat de ce grand moment de psychologie collective, c'est que, ne pouvant laver leur linge sale en famille, un certain nombre de militants et une candidate tête de liste ont dès le lendemain convoqué la presse pour faire état de leur divergence sur la fusion des listes MoDem/PS. Alors que l’évènement est peu relayé par la presse, le surlendemain, les têtes de liste Bennahmias et Madrolle répliquent en tenant eux aussi une conférence de presse en minimisant le problème à 3 ou 4 personnes déviantes, alors qu'au même moment leur directeur de campagne s'escrime à appeler les 200 candidats présents sur les listes pour signer une pétition de soutient à laquelle il manque encore, de son propre aveu, plus de 100 signatures.

La morale de cette histoire, c'est que le MoDem, s'il n'est pas moins empli d'idées sincères et originales, est un parti naissant qui se cherche et connait son lot de ratées. On ne saurait gagner en envergure quand on ne sait pas jouer collectif, encore moins quand on perd jusqu'à l'estime de ses propres militants. Après la débacle Rocca-Serra qui avait renoncé à présenter une liste défendant les idées du parti avant même les élections, le MoDem Marseillais vit un nouveau coup dur.
A l'avenir, il devra veiller à mieux choisir ses candidats s'il ne veut pas exploser en vol, car les grands idéaux s'accommodent mal des petits opportunismes.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

excellent compte rendu. Pour ma part j'ai appris la fusion le même jour mais 10 minutes avant 19 heures, sur canal+. Soit avant la réunion des militants. Il faut croire qu'il y avait urgence en effet.
Une inexactitude par contre: les militants n'ont pas vraiment été sollicités pour l'élaboration du programme, celui-ci leur a été présenté tel quel et il n'y avait plus à revenir dessus. Même pour les coquilles (il y en avait).

Anonyme a dit…

sur la conférence de presse en objet: j'espère que la candidate "tête de liste" dont vous parlez n'est pas moi-même, Florence Bistagne, car ce n'était pas mon propos. Or il n'y avait pas d'autre tête de liste. donc... ou vous faîtes erreur sur ce que j'ai dit, ou sur la personne!
Cordialement

Citizen from Mars a dit…

C'est bien à vous que je pensais Florence car je vous avais vue à la télé aux cotés d'Eric, qui était très remonté après cette réunion avec Christophe Madrolle. Désolé si je vous ai pretté des intentions qui n'étaient pas les vôtres. Je n'étais pas présent a cette conférence de presse et je ne peux relater que ce que j'ai vu/lu via la presse. Heureusement vous voilà pour répondre et corriger cette aproximation.

Patrice ALBERT a dit…

des règles démocratiques tronquées de toutes parts . Les militants et co-listiers présents ce lundi soir n'ont pas été correctement consultés, c'est un euphémisme et l'attitude de christophe Madrolle dans cette circonstance a été déplorable . Mais en amont certains militants qui ont bien mouillé la chemise pendant la campagne, n'ont jamais pu s'exprimer sur quoique ce soit... ; La difficulté de se faire entendre, par la critique exprimée dans ce blog , c'est qu'elle reste entachée d'une critique foncièrement de droite ou perçue comme telle, et qui se refuserait encore à l'idée même d'accord avec la gauche ; alors qu'elle est avant tout une critique démocratique , c'est du moins ainsi que je la récents . Dernier points , dans le debriefing de l'accord , il y a une chose qui me parait très malhonnête
politiquement et intellectuellement ; c'est de faire croire qu'avec nos malheureux 5%, nous étions en mesure de peser sur le programme dans le cadre de la fusion ; alors que les mêmes ont toujours expliqué, à juste titre, qu'il nous fallait au moins 10% pour produire un infléchissement de la politique et du projet municipale . Cette argument que nous utilisions pour faire voter pour nos listes au premier tour, devenait caduque au lendemain du premier tour ! On est pas loin du foutage de gueule ! La bataille de la démocratie n'est pas fini .

Citizen from Mars a dit…

Je pense d'ailleurs que s'il y avait eu un débat démocratique au MoDem ce soir là, malgré la présence de certaines sensibilités de droite, l'issue aurait pu être un vote majoritaire pour une fusion avec le PS, au regard des offres respectives du PS et de l'UMP et du fait qu'on ne fait pas campagne avec Bennahmias si l'on est indulgent avec la politique de Gaudin et son incinérateur.

Notez que si Florence (ou Christophe Madrolle) souhaitent publier un droit de réponse, ou si certains d'entre vous souhaitent faire part de ce qu'ils ont vécu de l'intérieur et de leur analyse, je serais intéressé de les publier sur ce blog.

Citizen from Mars a dit…

Florence Bistagne a répondu à ma proposition (et je l'en remercie). Vous pourrez lire son droit de réponse sur le billet suivant :
Débat militant au MoDem de Marseille - Droit de réponse de Florence Bistagne