jeudi 12 juin 2008

Pourquoi l'on ne devrait pas accepter le filtrage des sites pédopornographiques

La nouvelle fait grand bruit en ce moment sur la toile. Le gouvernement français voudrait faire passer dès juillet une "charte de confiance en ligne" qui instaurerait le filtrage de masse du réseau des réseaux. Officiellement, il s'agit de filtrer les sites pédopornographiques : évidemment, en imaginant le type d'horreur que les pédophiles font subir aux enfants on ne pourra qu'approuver.

Mais, on le dit souvent, l'enfer est pavé de bonnes intentions, et de fait nous sommes ici dans un cas d'école pour illustrer ce proverbe.

On ne doit pas accepter le filtrage des sites pédopornographiques parce qu'il est illusoire de vouloir renoncer à nos libertés pour le bénéfice du bien collectif.

Prenons l'exemple des lois "Patriot Act" aux Etats-Unis : suite aux attentats du 11 septembre, le gouvernement américain a fait passer ces lois qui instaurent la surveillance généralisée, avec l'assentiment du peuple américain horrifié par les récents évènements. Grace à ces lois, le gouvernement Américain n'a désormais plus besoin de l'approbation de juges pour réaliser des mises sur écoute. Il peut adresser une simple lettre à un bibliothèque pour obtenir la liste des livres consultés par une personne donnée. D'immenses bases de données d'informations personnelles ont été mises en place et l'écoute du trafic Internet s'est généralisée. Tout américain peut désormais être surveillé sur simple décision arbitraire d'un fonctionnaire, et de nombreux abus comme ce citoyen fiché comme terroriste par erreur qui fut surveillé, arrêté et retenu sans charge ont déja été commis.

Or l'enquête sur les attentats du 11 septembre a révélée que les attentats avaient été possibles car :
1) les Etats-Unis avaient étés trop focalisés sur la surveillance technologique plutôt que le renseignement humain.
2) Les services secrets Américains ont ignoré à plusieurs reprises les alertes antérieures aux attentats lancées par leurs collègues étrangers ainsi que par leurs propres services.
Par ailleurs, on sait que les islamistes se méfient des moyens de communication électronique car ce n'est pas dans leur culture et ils les savent surveillés. Quand bien même ils les utiliseraient, ils auraient nécessairement l'intelligence et la motivation de recourir a des moyens de cryptage pour se prémunir des écoutes, comme le font sans doutes la plupart des criminels et autres mafias sur le réseau.

Ainsi l'exemple Américain nous montre que la surveillance électronique affecte essentiellement le citoyen lambda, et qu'en ce qui concerne la criminalité, elle s'avère inutile, sauf pour attraper les criminels dotés du quotient intellectuel d'une poule.

Aujourd'hui on veut nous faire passer la pilule du filtrage des réseaux au nom de la pédopornographie. Mais déjà d'autres intérêts se précisent : l'industrie du disque, qui réclame la mesure à corps et a cris depuis plusieurs années, suit l'affaire avec intéret. Etant donné que l'UMP et les lobbies de l'industrie du disque sont comme cul et chemise, il est donc probable qu'on verra rapidement arriver le filtrage des sites de musique et logiciels pirates. Parfait dira-t-on : c'est illégal !

Mais après ? On pourra imaginer avoir recours au filtrage pour couper l'accès a d'autres sites subversifs, sous motif de trouble à l'ordre public par exemple, puisque les moyens techniques seront en place. Avec l'appui d'une bonne campagne de diffamation, on devrait aisément pouvoir faire passer n'importe quel site comme dangereux aux yeux de la société. On pourra aussi bloquer des sites à la va-vite, éventuellement en envoyant de nombreux messages à la plateforme de dénonciation que le gouvernement envisage de mettre en place. En cas de contestation de masse, on pourra toujours évoquer un problème technique pour se défausser.

Cette mesure est donc dangereuse, car elle va créer un précédent sur lequel il serait désormais possible de capitaliser pour renforcer le contrôle d'Internet et mieux encadrer la liberté d'expression. L'UMP est coutumier du fait. On se souvient des radars automatiques qui, pour éviter le tollé, dans un premier temps devaient obligatoirement être associés a des panneaux prévenant de leur présence. L'obligation de disposer des panneaux a rapidement été supprimée, et les radars poussent maintenant par milliers comme des champignons au bord des routes. Il n'y eu plus personne pour s'insurger contre cette nouvelle forme de surveillance : nous agissons comme la grenouille qui se laisse cuire sans sauter d'une casserole ou l'on monte progressivement la température de l'eau.

Enfin, cette mesure sera largement inefficace comme l'explique un fournisseur d'accès Internet. Un site qui serait filtré pourra réaparaitre à volonté en changeant d'adresse IP. Pire : en ayant recours au filtrage de masse, on incitera les pédophiles et autres criminels a recourir a des réseaux cryptés incontrolables comme freenet, et il ne sera alors plus possible de surveiller l'activité électronique de ces gens là.

Au final, les sites qui seront filtrés et surveillés seront surtout les vôtres et les miens. Pour un monde meilleur ?

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